« Le constat dressé par la division Eau de l’ONU (UN-Water 2010) est clair : « L’eau est le premier intermédiaire par lequel le changement climatique impacte les écosystèmes terrestres, ainsi que le mode de vie et le bien-être de nos sociétés ». Ces impacts peuvent jouer à la fois sur le cycle annuel de l’eau et sur les extrêmes comme les risques d’inondation et de sécheresse, et ainsi affecter durablement l’hydrosystème. L’agriculture et l’urbanisme, éléments importants sur le bassin de la Seine, devront s’adapter pour mieux supporter l’élévation de la température et l’évolution de la ressource en eau. » (Habets et al., 2011 : 7)
Je m’agite dans mes draps humides. Il fait chaud, si chaud que je rêve de renverser le contenu de mon congélateur sur mes jambes, avec en bonus, un sac de glaçons sur mon visage. Je n’ai jamais autant rêvé de briques d’épinards et de cubes de velouté de potiron. Le contact entre ma peau brûlante et le glaçon provoque une liquéfaction immédiate. Paris l’été, c’est une souffrance thermique, surtout physique. Pas la moindre fontaine pour se rafraîchir sur le chemin du boulot. Je serais prête à sauter pieds nus de flaque en flaque, comme quand je jouais à la marelle. L’eau est décidément devenue une denrée rare dans cette ville. Alors je trouve de modiques astuces. Ma dernière parade : marcher au plus près de la pierre, raser les façades des bâtiments pour profiter des taches d’ombre portées par leurs toits. Mais c’est plutôt un placebo qu’un rafraîchissement effectif, car il fait toujours chaud à l’ombre.
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Je rêve d’une ville qui révélerait l’aménagement de son infrastructure aqueuse. Ses robinets et ses rigoles, ses flaques d’eau gisante, ses fontaines et ses lavoirs, ses bassins de rétention, ses barrages et ses écluses, ses grands réservoirs et ses nappes, ses noues humides, ses caniveaux, ses canaux et marrais, ses ruisseaux, ses douches, ses tuyaux, ses aqueducs, ses bouches d’égout.
Je rêve que l’eau devienne la nouvelle balise de mon chemin quotidien. De l’eau qui glisse, de l’eau qui stagne, de l’eau qui ruisselle, de l’eau qui jaillit, de l’eau qui coulerait jusqu’à ma nuque brulante.
Je suis toujours dans mon lit, j’ai arrêté de bouger. J’ai moins chaud en restant immobile. Je rêve de Louis XIV et de ses fontaines miraculeuses, du bassin du Luxembourg où petite j’allais regarder les bateaux flotter. Je rêve d’un bassin circulaire tout bleu. Dans ce bassin, il y flotterait comme ces voiliers miniatures, toutes ces infrastructures qui de près ou de loin touchent, transportent contiennent, dirigent, enjambent, pompent l’eau qui peut être un jour arrivera jusqu’à moi, jusqu’à nous, pour nous empêcher de tous crever de chaud en été dans cette ville immense – au cœur du Grand Paris.